Pourquoi la Sécurité sociale est-elle obligatoire ?

Les éléments de réponse

À la différence des assurances classiques de personne ou de biens, un système d’assurances sociales tel que la Sécurité sociale, par sa généralité, interdit la sélection des risques, ainsi que la tarification au risque des « primes » (cotisations sociales) que versent les assurés et les entreprises. Elle apporte donc la garantie d’une mutualisation des risques au niveau de l’ensemble de la population, évitant l’exclusion ou la sur-tarification des plus forts risques. Certes, elle contraint chacun à cotiser « continument » pour chacun des risques, quand bien même il n’y est pas immédiatement exposé.

Mais cette contrainte est en fait protectrice, car elle corrige la « myopie » des acteurs et leur préférence pour le présent : le bien portant sera assuré quand il sera malade sans hausse de cotisation, l’actif bénéficiera d’une retraite, le célibataire des allocations familiales… le moment venu.

Le même constat est applicable aux entreprises : si chaque entreprise assure seul ses salariés, elle se met en situation de devoir faire face, un jour, à un niveau de risque « catastrophique » ou inassurable. Enfin, dans un système de retraite par répartition, où les cotisations des actifs payent les pensions des retraités, il n’est pas possible de permettre un « opting out », car cela rompt à la fois le pacte entre les générations et l’équilibre des régimes de retraite.

Le caractère obligatoire qui s’impose à l’ensemble des entreprises constitue également une garantie d’égalité de concurrence pour le marché national : les coûts du travail ne sont injectés ni par les niveaux différents de protection sociale consentis aux salariés, ni par les caractéristiques (âge, sexe, handicap) des dits salariés. En externalisant et restructurant la prise en charge de leurs garanties (maladie, invalidité, maternité…) en dehors de l’entreprise, les salariés sont rendus plus égaux devant l’emploi.

La présence des partenaires sociaux, organisations d’employeurs, de salariés, de travailleurs non-salariés, et leur adhésion forte aux principes de la Sécurité sociale attestent de cette volonté de faire bénéficier à l’ensemble de la population d’une couverture homogène et solidaire.

À l’échelle internationale, le fait que le niveau de développement de la protection sociale est relativement homogène, quoique différencié au sein de l’Union européenne, réduit également les risques d’inégalité concurrentielle.

Ainsi que l’a jugé à de multiples reprises, la cour de justice de l’Union européenne, l’affiliation obligatoire et le monopole de la Sécurité sociale sont pleinement compatibles avec les traités européens. De même, les juridictions nationales ont confirmé dans de nombreuses décisions le caractère illégal de la désaffiliation à la Sécurité sociale au profit d’assurances privées.

Enfin, en prévoyant une couverture homogène des risques et un monopole de gestion des organismes de Sécurité sociale, elle permet une maîtrise des dépenses et des coûts de gestion. La loi et les règlements encadrent les prestations qu’ils servent, la loi de financement de la Sécurité sociale fixe des plafonds de dépenses et le niveau de leurs recettes.

À la différence des assureurs, ils ne peuvent pas répercuter une augmentation de la masse assurable ou de leurs dépenses d’indemnisation sur leurs primes d’assurance. Les exemples de mise en concurrence des organismes d’assurance sociale pour diminuer les coûts de santé n’ont pas fait la preuve d’une plus grande efficience. En atteste l’exemple des États-Unis, qui, avant la réforme de l’Obama Care, connaissaient un système conjuguant une part élevée des dépenses de santé dans le PIB (17 % contre 11 % en France), 45 millions de personnes sans aucune couverture santé, et des indicateurs de santé publique médiocres.

Par ailleurs, les régimes de Sécurité sociale ne se livrent pas à une concurrence via des dépenses commerciales, marketing ou commerciales, pour augmenter leur nombre d’assurés, du fait de l’affiliation obligatoire par régime. Avec des réseaux de caisses locales sous la responsabilité des caisses nationales, l’organisation de la Sécurité sociale permet de rationaliser les coûts de fonctionnement et des systèmes d’information. Ainsi, les frais de gestion du régime général de Sécurité sociale ne représentent que moins de 4 % des prestations versées.

Évidemment, la situation de monopole des organismes de Sécurité sociale ne doit pas les dispenser, bien au contraire, d’améliorer continuellement la qualité du service qu’ils rendent aux assurés et aux cotisations. Ces enjeux sont portés dans les conventions d’objectifs et de gestion conclues avec l’État. De même, l’État, le législateur et les organismes de Sécurité sociale doivent veiller à adapter les prestations et la gestion du risque pour rendre les dépenses de Sécurité sociale plus efficaces et plus ciblées, et lutter sans relâche contre la fraude.